Le chanvre suisse couvre la demande
CHRJSTIAN BERNET
La Suisse n’aura pas besoin d’un
plan Wahlen pour le cannabis.
Après avoir quasiment disparue à la
fin de la dernière guerre, sa culture
fait un retour en force dans nos
campagnes et devient moins exo-
tique que le kiwi ou la grany smith.
De un hectare en 1993, on serait
passé à plus de 300 hectares culti-
vés en 1998, selon des estimations
de l’Office fédéral de l’agriculture.
La Suisse est devenue ainsi le pre-
mier producteur européen avec les
Pays-Bas et se profile désonnais
comme exportateur. Selon un com-
missaire de la police fédérale, la
production suisse serait suffisante
pour couvrir la demande indigène
en stupéfiants.
Tout le chanvre cultivé en Suisse
n’est toutefois pas destiné à ce mar-
ché. Une partie de la production va
à
la fabrication de textile, d’huile ou
de papier. Au titre de "matière pre-
mière renouvelable", ces cultures
reçoivent même des paiements di-
rects à hauteur de 1500 francs
l’hectare. Ce chanvre ayant une
faible concentration (0,3%) de
THC, la substance psycho-active, an
culture est autorisée. En 1999,
34 hectares ont bénéficié de
ces
subventions.
La destination du reste de la pro-
duction n’est pas déclarée. Il ne fait
guèm de doute que la majeure par-
tie est réservée à la "fumette".
Et ce
cannabis illégal trouve un débou-
ché facile dans les magasins de
chanvre. Ceux-ci ont essaimé prin-
cipalement dans les villes de Zu-
rich, Bile, Saint-Gafl et Berne, mais
peu en Suisse romande, lly en au-
rait plus de 200 dans le pays.
Ces "Hanflàdeli", comme on les
appelie outre-Sarine, profitent de
l’ambiguïté de la loi qui n’interdit
que la vente de cannabis à usage de
stupéfiant L’herbe est donc vendue
sous forme de "sachets" ou de
"coussins
odorants". On trouve
même des "Hanfthaler", sorte de
médaillons de haschisch qui n’ont
de décoratif que le nom. La teneur
en THC de ces produits atteint par-
fois 10%.
En 1998, on estime que le mar-
ché du chanvre en Suisse a généré
pour 300 millions de chiffre d’af~
faires. Les quatre cinquièmes pro-
viendraient du marché gris de la
drogue.
Filière d’expoitation
L’émergence de ce marché à dé-
couvert s’est fait aux dépens du tra-
fic traditionnel. Du coup, le "dealer"
qui attend le client au coin de
la rue est en voie de disparition. On
estime qu’en Suisse, 80% du mar-
ché s’est déplacé dans les boutiques
ou se fait entre connaissances (oofr
le graphique ci-dessus). Dans cer-
tains cantons comme le Tessin, la
vente dans la rue a disparu. Ce dé-
veloppement est moins fort dans les
cantons romands où les magasins
de chanvre y sont moins nombreux.
L’importation de haschisch n’a
pas pour autant disparu. il y a des
adeptes de l’afghan ou duLihbanais.
Comme la rue n’a plus la cote, il est
probable que la distribution se soit
orientée en partie vers les magasins
de chanvre. Ce qui semble beau-
coup inquiéter la police et les
douanes, c’est désormais l’exporta-
tion du chanvre suisse à destination
d’autres pays européens. Selon un
commissaire de la police fédérale,
des filières seraient déjà en
place.
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