Avril 1998
DROGUE. La Commission européenne se risque à briser un tabou.
Elle admet que la répression n'a pas permis d’enrayer le
trafic de stupéfiants
Prudente, la Commission ne se risque pas pour autant à proposer
leur dépénalisation. Mais elle recommande de réduire la
marginalisation des toxicomanes dans la société
Bruxelles
appelle les Quinze à être moins réactionnaires face à la
drogue
Roland Krimm , Bruxelles
Le "tout répressif" dans la lutte contre
le trafic de drogue est un échec. La Commission européenne
le reconnaît entre les lignes dans un document de réflexion
rendu public mercredi, L'Union européenne et la lutte contre
la drogue. Bruxelles y invite les Quinze à envisager de
nouvelles méthodes pour combattre un fléau qui n’épargne
plus aucun pays européen, du nord au sud du continent. Les
mots sont prudents, mais le constat est implacable: "L’expérience
montre que le combat contre les drogues ne peut être mené
seulement au niveau policier et judiciaire." Alors que le
débat sur la dépénalisation fait rage partout en Europe,
la Commission constate que le prohibitionnisme et l’interdiction
de l’offre "ne sont pas des solutions satisfaisantes au
défi des drogues et, du moins, pas suffisantes". Le trafic
de stupéfiants a beau être considéré dans tous les pays
européens comme l’un des crimes les plus graves, les faits
sont là: la criminalité et la délinquance qui y sont associées
n’ont pu être endiguées en dépit des efforts déployés. Pire,
la surpopulation carcérale n’a fait qu’augmenter en raison
de la toxicomanie, s’inquiète la Commission dans ce document.
De là à appeler les Quinze à fermer les yeux sur les fumeurs
de joints à la petite semaine, il y a un pas que Bruxelles
ne se risque pas à franchir. Emma Bonino, le bouillant commissaire
chargé de l’Aide humanitaire et de la Protection des consommateurs,
milite ouvertement pour la dépénalisation des drogues douces.
Elle n’a pas (encore?) réussi à convaincre ses dix-neuf
collègues que la prohibition n’a jamais rien résolu. Au
contraire.
Que faire alors? La Commission constate que, depuis le début
des années 90, l’Europe suit une approche multidisciplinaire
pour combattre la drogue. Ses objectifs sont multiples:
maîtriser la demande et réduire l’offre en luttant contre
la production et le trafic, mais aussi par l’éducation,
la lutte contre le blanchiment d’argent sale et le trafic
de précurseurs. Une stratégie "souvent saluée comme exemplaire
mais dont le message politique qui en ressort n’apparaît
pas bien défini". Sans parler des résultats, qui laissent
à désirer.
A l’heure où les Quinze amorcent le débat sur un nouveau
"plan d’action" pour les années 2000 à 2005, la Commission
plaide dès lors pour une meilleure prise en compte des facteurs
psychologiques, sociaux et économiques liés à la consommation
de stupéfiants. "La problématique des drogues, affirme-t-elle,
doit être intégrée dans les dimensions économiques et sociales
du développement soutenable." Tout un programme. En clair,
plutôt que d’emprisonner les toxicomanes, mieux vaudrait
essayer de réduire leur marginalisation dans la société.
En privilégiant par exemple les traitements alternatifs
aux peines de prison. Ou en envisageant de nouvelles mesures
dites de réduction des risques à l’instar de la distribution
gratuite de seringues. Bruxelles se risque donc à briser
des tabous. Reste à voir comment réagiront les Quinze. Ils
auront le dernier mot.
La Belgique ne traque plus les fumeurs
de joints
La consommation de haschisch à des fins
privées est désormais tolérée.
La loi belge sur
la drogue passe pour être l'une des plus sévères d’Europe. Depuis
lundi, le royaume vit cependant une petite révolution. Les fumeurs
de joints n’y sont en effet plus poursuivis par la justice. A
condition de ne pas se faire attraper par la police avec plus
de 5 à 7 grammes dans les poches. Entre une approche répressive
et la dépénalisation, la justice belge a tranché en faveur d’une
politique dite de normalisation. La détention et la consommation
de haschisch à des fins privées sont désormais tolérées. Le pétard
doit cependant être consommé chez soi à l’abri des regards indiscrets.
Paradoxalement, la loi sur la drogue n’a pas été modifiée pour
la circonstance. "C’est la politique de poursuite en application
de cette loi qui l’est", expliquait le ministre belge de la Justice,
Stefan De Clerck, lundi dans les colonnes du Soir. En pratique,
une directive "relative aux poursuites en matière de détention
et de vente au détail de drogues illicites" a été adressée à tous
les tribunaux du pays. Elle appelle les juges à accorder avec
effet immédiat la "priorité la plus faible" aux cas de détention
de cannabis pour consommation personnelle. La police continuera
certes de dresser des procès-verbaux. Mais ils seront purement
et simplement classés par les tribunaux. Pour autant que le fumeur
de haschisch ne montre pas des signes d’accoutumance qui pourraient
menacer son intégration socio-économique. Auquel cas, il sera
orienté vers les services de l’assistance sociale. La directive
ne précise toutefois pas la quantité de cannabis tolérée. Si l’on
en croit la presse belge, les juges fermeront les yeux sur une
dose de 5 à 7 grammes. Les fumeurs qui s’approvisionnent dans
les "coffee-shops" aux Pays-Bas, une pratique courante, sont en
revanche avertis: ils s’exposeront toujours aux foudres de la
justice pour avoir franchi une frontière internationale avec du
cannabis.
R.K.
Finalement
Février 2001 ... La
Belgique dépénalise le cannabis
La Belgique
dépénalise,
une revue de presse par
Séb. de Bruxelles
est proposée sur le site de la FÉDÉRATION
DES CIRC
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