GREAT
Groupement romand
d études sur l alcoolisme et les toxicomanies
Rue des Pêcheurs 8, case postale 20, 1401 Yverdon
Tél. +41 24 426 34 34 Fax. +41 24 426 34 35
CCP 10-213 91-8
E-mail great.aria@span.ch
Questions au sujet du projet de
consultation
concernant la révision de la Lstup
Introduction
Le GREAT préconise, dans sa Charte, la dépénalisation de la
consommation de toutes les drogues. Il est, de ce fait, entièrement
d'accord avec le rapport de la sous-commission drogue qui
préconisait la dépénalisation de la consommation. Le GREAT
considère donc qu'il est grand temps d'aborder les questions
sous l'angle des dépendances plutôt que des produits. Il souhaite
aussi préciser que, lorsque les professionnels parlent de
dépendances, ils font évidemment et uniquement référence aux
dépendances qui engendrent la souffrance. Dans ce sens, il
serait aussi imaginable d'englober les souffrances liées à
des comportements - et non seulement des produits - engendrant
la dépendance.
Pour terminer, la nouvelle loi devrait comporter un chapitre
permettant la création d'une commission d'experts permanente.
Cette commission devrait effectuer une évaluation objective
et scientifique de la dangerosité des produits - santé et
social - dans l'esprit du rapport Roques. Cette liste de produits
ne devrait pas être intégrée dans la loi, de manière à la
rendre adaptable aux nouveaux produits et aux changements
sur le marché. La commission permanente aurait aussi pour
tâche l'adaptation d'une telle liste aux nouveaux produits
et aux nouvelles connaissances.
Ces divers éléments formulés, le GREAT espère que cette révision
permettra d'avancer très sérieusement vers une politique englobant
l'ensemble de ces problèmes. .
Questions de base:
1. Êtes-vous d'accord d'étendre la validité - en matière
de prévention, thérapie, réduction des risques, recherche,
formation et assurance de la qualité (art. 3b - 3k LStup rév.)
- du domaine des stupéfiants à celui des substances engendrant
la dépendance?
Oui.
2. Les dispositions reprises du droit en vigueur pour l'autorisation
de déclarer les personnes dépendantes de substances (art.
3c al. 1 et 2 LStup rév.) doivent-elles, dans la loi révisée,
être restreintes comme jusqu'à présent au domaine des stupéfiants,
élargies à celui des substances engendrant la dépendance ou
radiées de la loi?
Nous estimons que ces dispositions doivent être radiées.
En effet, elles sont couvertes par diverses lois plus générales,
qui concernent l'ensemble des problèmes de mise en danger
de sa santé ou de l'ordre public. Il n'est donc pas nécessaire
d'avoir une loi spécifique au sujet de la consommation de
stupéfiants.
3. Les dispositions reprises du droit en vigueur au sujet
de la privation de liberté à des fins d'assistance (art. 3f
LStup rév.) doivent-elles, dans la loi révisée, être restreintes
comme jusqu'à présent au domaine des stupéfiants, élargies
à celui des substances engendrant la dépendance ou radiées
de la loi?
De manière générale, et comme nous l'avons signalé au
sujet du point 2, nous ne souhaitons pas voir de spécificités,
au niveau des lois, pour le champ des produits psychotropes.
Les différentes lois pénale ou civile doivent tenir compte
de l'ensemble des problèmes de société dont les dépendances
font partie.
4. La Confédération doit-elle endosser un rôle directeur
plus marqué concernant la politique en matière de drogue que
jusqu'à présent, en particulier pour ce qui est des trois
piliers de la prévention, de la thérapie et de la réduction
des risques?
Oui. La coordination, les mesures d'encouragement, l'évaluation,
le développement de la recherche doivent être renforcés de
manière à éviter des différences par trop flagrantes dans
les traitements de ces problèmes dans les différents cantons
tant aux niveaux thérapeutique, de la prévention que de la
réduction des risques (arti.3b, al.4 ; 3g, al 2; 3d, al 2).
Relevons que la Confédération doit aussi endosser un rôle
directeur plus marqué en ce qui concerne l'alcool et le tabac.
Questions au sujet des dispositions pénales art. 19 ss
LStup rév.
5. Des modifications sont-elles, de manière générale, nécessaires
concernant la pénalisation du trafic et de la consommation
de stupéfiants?
Oui. En 1989 déjà, le GREAT était d'accord avec le rapport
de la sous-commission drogue qui préconisait la dépénalisation
de la consommation. Il est donc grand temps d'aborder les
questions sous l'angle des dépendances plutôt que des produits,
ce que le GREAT propose aussi depuis plusieurs années.
Il s'agit aussi d'améliorer et de prévoir un financement plus
important de la prévention.
6. Si vous avez répondu " oui " à la question 5, à laquelle
des variantes soumises à la discussion donnez-vous la préférence?
CF 1 avec adaptation d'une variante cannabis intégrant
la mise sur pied d'un marché contrôlé du cannabis. Ce modèle
contrôlé de commerce du cannabis, encore en discussion au
sein du GREAT se rapproche des conclusions du rapport de la
Commission fédérale pour les questions liées aux drogues.
Ci-dessous, les éléments de ce modèle: (en annexe, l'argumentaire
complet).
Production
Le cannabis provient de la production suisse ou de pays
dont la production est légale. Un office de contrôle du cannabis
est instauré (par exemple une annexe à l'Office fédéral de
l'agriculture). Il définit, comme actuellement, les règles
de production et de commercialisation. Il prélève une taxe
(à définir) qui servira à l'organisation de la formation,
à la mise sur pied de programmes de prévention et de traitement
des dépendances.
Une exception pourrait être prévue pour du cannabis venant
de l'étranger pour autant que sa production en devienne légale.
Vente
Le cannabis est vendu dans des échoppes prévues à cet effet.
Des règles sont définies par l'État, en particulier définissant
le nombre de magasins par région - ils sont en nombre suffisant
pour répondre à la demande sans augmenter l'offre. Un système
de patente est mis sur pied.
Par ailleurs:
- un taux de THC est défini
- l'achat n'est que personnel
- la vente n'est autorisée qu'aux personnes domiciliées
en Suisse
- la quantité de produit est limitée par achat ainsi que
la quantité totale détenue (10 jours de consommation)
- la vente est interdite aux mineurs de moins de 16 ans.
Patente, formation
Le cannabis est vendu dans des lieux déterminés, en possession
d'une patente. La patente s'obtient sur présentation d'un
dossier à la Police du commerce. Cette patente est accordée
après formation de l'ensemble du personnel de vente. Elle
s'étend, dans un premier temps, sur 10 jours. Des journées
de formation continue sont prévues. La formation de base:
- donne les bases sur la production, son contrôle, la structure
de distribution et les règles légales qui lui sont liées
- fait connaître les utilisations du cannabis et leurs dangers
- donne les compétences de base en matière de prévention,
de réduction des risques, d'abus et de dépendances.
Règles au sujet de la consommation
- La consommation de cannabis est interdite dans les lieux
tels que les écoles, transports publics, etc. Pour les cafés-restaurants,
le gérant ou le patron définit l'opportunité d'accepter
la consommation. Dans des lieux publics, parcs publics par
exemple, des tolérances sont acceptées sous réserve des
règles liées à l'ordre public
- Les lieux de vente peuvent aussi faire office de lieux
de consommation
- Les lieux de vente servent de lieux d'information, d'espaces
de discussion tant sur le produit que sur
les services à disposition en cas de problèmes sociaux ou
de santé.
Information sur le produit
Les produits sont accompagnés d'une information sur leur consommation
et ses dangers, leur origine, leur taux de THC, etc. Cette
information est apposée sur le produit et dans un mode d'emploi
qui contient aussi le rappel des règles légales et les dangers
de l'abus.
Publicité
- La publicité pour le cannabis et pour ses magasins est
interdite.
- L'incitation à la consommation est punie.
Commission d'évaluation
Pour préciser le projet de modèle contrôlé, le suivre, l'évaluer
et l'adapter, une commission est mise en place sous l'égide
de l'OFSP. Elle est représentative, entre autres, des milieux
de la santé et des professionnels du champ des addictions.
7. Comment appréciez-vous la variante à laquelle vous donnez
la préférence sous l'optique de l'équilibre de la politique
suisse des quatre piliers. Du fait que de nombreuses combinaisons
et formes mixtes des différentes variantes sont également
possibles, les questions suivantes s'imposent pour le détail:
Le GREAT défend, depuis plusieurs années, la dépénalisation
de la consommation considérant que les personnes toxicomanes
n'ont pas à être poursuivies pénalement pour une action qui
est d'une part de leur responsabilité personnelle et d'autre
part doit faire l'objet de compréhension, d'écoute et, cas
échéant, d'accompagnement thérapeutique et/ou de soins. En
ce sens, la libération de moyens octroyés à la pénalisation
de la consommation devrait permettre d'amplifier les autres
piliers et d'axer la répression sur le grand trafic et le
blanchiment d'argent sale. L'accent doit aussi évidemment
être porté plus sur la prévention que sur la répression.
Dans cette optique, le modèle CF1 est le plus pertinent.
8. Soutenez-vous la dépénalisation générale de la consommation
de cannabis?
Oui.
9. Soutenez-vous la dépénalisation générale des actes
préparatoires de la consommation de cannabis (possession,
acquisition, fabrication et culture en vue de la consommation
personnelle)?
Oui, tout en rappelant qu'un modèle de dépénalisation
sans commerce contrôlé ne résout qu'une partie du problème.
10. Soutenez-vous la dépénalisation générale de la consommation
de tous les stupéfiants?
Oui.
11. Soutenez-vous la dépénalisation générale des actes
préparatoires de la consommation pour tous les stupéfiants?
Oui.
12. Le principe d'opportunité, proposé par le projet de révision
prévoit la possibilité de restreindre le devoir de poursuite
de la police et des autorités judiciaires pour certaines infractions,
ou certaines conditions définies de manière unifiée sur le
plan national. Etes-vous favorable à l'inscription d'un tel
principe dans la Lstup?
Non. Un tel principe, dans le système confédéral, a trop
de risques de permettre une adaptation cantonale qui amènerait
à une trop grande diversité des punitions et l'arbitraire
dû à des appréciations personnelles. Avec le principe d'opportunité,
le message reste fort peu clair - le manque de clarté du message
est une des incompréhensions du modèle actuel. Par ailleurs,
seul le droit pénal ou civil permet une réelle égalité.
13. La compétence doit-elle être octroyée au Conseil fédéral
d'introduire un tel principe d'opportunité par voie d'ordonnance?
Oui, si les chambres fédérales adoptent malheureusement
le principe d'opportunité.
14. Soutenez-vous l'introduction d'un tel principe de l'opportunité
pour la consommation et les actes préparatoires à la consommation
de cannabis?
Non. Mêmes raisons que 12-13
15. Soutenez-vous l'introduction d'un tel principe de l'opportunité
pour la consommation de tous les stupéfiants et à quelles
conditions?
Non. Mêmes raisons que 12-13
16. Etes-vous favorable à l'introduction d'un tel principe
de l'opportunité pour les actes préparatoires de la consommation
pour tous les stupéfiants et à quelles conditions?
Non. Mêmes raisons que 12-13
17. Etes-vous favorable à l'introduction d'un tel principe
de l'opportunité pour la culture, la fabrication et le
commerce du cannabis et à quelles conditions?
Non. Nous sommes d'avis que, pour les raisons évoquées
dans le rapport cannabis, la Confédération doit instaurer
un système de marché contrôlé du cannabis de la production
à la vente à l'image du rapport "Cannabis" de la Commission
fédérale pour les questions liées aux drogues. Le GREAT a
aussi travaillé à un tel modèle. Vous le trouvez, joint à
cet envoi.
18. A quelle variante de la définition du cas grave selon
l'art. 19, al. 2 (CF ou CSSS-CN) donnez-vous la préférence?
CF qui parle de grave mise en danger de la santé.
Protection de la jeunesse:
19. Si vous êtes favorable à la dépénalisation de la consommation
de cannabis: soutenez-vous une limite inférieure d'âge à 18
ans ou préférez-vous la voir fixer à 16 ans?
16 ans. Nous sommes en effet d'avis que la limite à 18
ans provoquera un nouveau marché noir. Les modèles de la Commission
d'experts et notre modèle cannabis de marché contrôlé permettraient
une réelle prévention et un contrôle maximum. De plus, nous
sommes d'avis que 16 ans permet, pour cette substance, de
travailler à un apprentissage des notions de consommation
et d'abus.
20. Si vous êtes favorable à la dépénalisation de la consommation
de tous les stupéfiants:
soutenez-vous une limite inférieure d'âge à 18 ans ou préférez-vous
la voir fixer à 16 ans?
16 ans. Nous considérons que, pour rester cohérent et
pour que le message soit clair, une seule limite d'âge doit
être fixée pour tous les produits. Nous avons choisi 16 ans
parce que la majorité des problèmes liés aux dépendances se
posent avant 18 ans. Fixer la limite à 18 ans est, sachant
cela, inefficace et incohérent.
21. Considérez-vous comme suffisantes les mesures du droit
pénal des mineurs (réprimande, astreinte au travail, etc.)
en ce qui concerne la consommation de drogue?
Oui, en particulier grâce à la souplesse et aux adaptations
que permet le droit des mineurs. Il est toutefois nécessaire
de rappeler que, pour que la justice des mineurs soit compréhensible,
le temps entre le problème et la sanction doit être réduit
au minimum.
22. Etes-vous favorable à l'idée que le fait de servir ou
de remettre des boissons alcooliques, des produits du tabac
ou d'autres substances engendrant la dépendance à des enfants
de 16 ans soit passible d'emprisonnement ou de l'amende?
Oui. Si nous voulons aller vers une cohérence en matière
de substances engendrant la dépendance, nous sommes obligés
de revenir en arrière sur l'acceptation sociale de certains
produits. Ce rappel de la règle légale obligera à se requestionner
sur ces produits que sont la nicotine et l'alcool.
En ce sens, nous souhaitons la suppression, dans l'article
136 du Code pénal, de la notion de "grande quantité d'alcool"
pour la remplacer par celle "d'alcool" ou de produits engendrant
la dépendance. Nous souhaitons que soit précisé qu'il s'agit
de remise de tels produits dans un contexte commercial.
Ce passage obligé de révision des lois au sujet de l'alcool
permettra aussi d'arriver à la discussion sur une nouvelle
loi sur l'ensemble des dépendances.
Questions au sujet du projet de consultation
concernant les "Ordonnances cannabis"
I. Pour le cas où vous préféreriez la variante CF2, êtes-vous
pour une révision correspondante des ordonnances en vue d'améliorer
le contrôle de la culture du chanvre et du commerce des produits
du chanvre? Si non, pourquoi pas?
II. Pour le cas où une majorité des consultés se prononcerait
en faveur de la variante CF 2 et pour le maintien des dispositions
en vigueur concernant la culture du chanvre et du commerce
du cannabis: êtes-vous favorable au renforcement des possibilités
de contrôle telles qu'elles sont proposées dans les ordonnances
d'exécution de la LStup?
III. Pour le cas où la majorité des consultés se prononcerait
en faveur des adaptations proposées des ordonnances d'exécution
de la LStup: Êtes-vous favorable à leur mise en vigueur immédiate,
encore avant que les débats des Chambres sur les révisions
de la LStup aient eu lieu?
Pour les trois articles, nous préconisons un maximum de
clarté dans les messages que nous souhaitons donner aux jeunes,
clarté qui permettra l'amélioration de la prévention. En ce
sens, toute clarification légale devrait permettre un message
plus clair. L'application de la loi doit être renforcée.
Yverdon, décembre 1999
|