" J'étais convaincu que
les vertus thérapeutiques
du cannabis méritaient
tout notre intérêt ".
Cette conviction, le Dr Claude Vaney,
médecin-chef du service de ré-adaptation
neurologique de la Clinique bernoise de Montana, la
fondait,à la fois sur ses connais sances théoriques
et son expé rience pratique. Piochant dans
la littérature scientifique, il est tombé
sur de nombreux témoignages démontrant
les vertus du chanvre pour soulager les spasmes nocturnes
de malades de la sclérose en plaques. Des spasmes
pénibles, qui entament encore plus une qualité
de vie déjà médiocre chez ceux
qui souflrent de cette maladie.

La Clinique bernoise traite trois à
quatre cents patients chaque année. " Certains
d'entre eux avaient même fait l'essai
de leur propre chef, et ils m'avaient confié
que ça les avait soulagés ", lance
le mêdecin.
Partant, de là, la Clinique bernoise
a voulu passer du préjugé à l'analyse
scientifique: le Dr Vaney et son équipe se sont
lancés l'an dernier dans la rédaction
d'un protocole d'essai clinique. Une cinquantaine de
patients devraient être concernés sur un
an, uniquement ceux chez qui la médication habituelle
ne répond pas.
La détention et la consommation
de chanvre psychotrope sont in terdites en Suisse
depuis 1951, et les applications médicales ne
font pas exception. Seule la recherche cieritifique
est autorisée, sous des conditions très
sévères et seulement sur les substances
ac- tives sans effets sur le psychisme.
Le protocole d'étude établi
par la Clinique bernoise, et que le vice- directeur
de l'Oïîice fédéral de la santé
(OFS) Paul Dietschy quali fie de " très
haute qualité " a donc dû répondre
à des conditions drastiques.
L'OFS a délivré une autorisation.
La Clinique bernoise attend maintenant
le feu vert de la commission d'éthique. Elle
espère commencer son étude cette année
encore.
Si elle donne son feu vert, la Clinique
bernoise serait le second établissement de Suisse
à tester les vertus thérapeutiques du
cannabis.

L'OFS a déjà délivré
une autorisation au Centre pour para plégiques
de Bâle pour un projet-pilote d'étude sur
un médicament à base de chanvre destiné
à traiter les crampes douloureuses.
Les premiers résultats sont
prometteurs, si on en croit le rapport sur le cannabis
de la Commission fédérale pour les questions
liées aux drogues (CFLD), rédigé
dans le cadre de la révision de la loi fédérale
sur les stupéfiants et rendu public en septembre
dernier.
Dans les deux cas, les résultats
intéressent vivement Berne, alors même
qu'en Suisse comme à l'étranger, on constate
un grand intérêt pour l'utilisation du
chanvre en médecine. L'effcacité du cannabis
dans les cas de forte spasticité repose sur des
indices.
" Des études américaines
ont donné des résultats pas toujours
très concluants ", constate Claude
Vaney. Mais il manque une preu ve scientifique claire,
que seules des études cliniques peuvent ap porter.

" A terme, si les essais sont
concluants, on pourrait se diriger
vers un médicament ", afirme Paul Dietschy.
Ces études, le rapport du
CFLD souhaite les ancrer dans la loi. Pour lui, "
les conditions nècessaires pour créer
une base légale autorisant la recherche scientifique
sur l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques
en Suisse sont réunies.
Dans le passé, les vertus
médicamenteuses du chanvre étaient pourtant
reconnues et utilisées.
On l'a utilisé comme analgésique,
pour lutter contres les migraines, les névralgies
ou les insomnies.
Entre 1850 et 1950, il y avait en
Europe et donc en Suisse une centaine de médicaments
à base de cannabis sur le marché. Les
difficultés de dosage et l'apparition de médicaments
plus effi caces ont diminué sa prescription,
avant que son interdiction, entérinée
dans la loi fédérale sur les stupéfiants
et les psycho tropes de 1951, n'y mette fin.

Aujourd'hui, un seul médicament,
le dronabinol, est autorisé dans certains pays
(USA, Australie, Israël, Afrique du Sud) pour un
usage thérapeutique de routine, et dans des indications
claires: stimuler l'appétit chez les malade du
sida et contrôler les nausées de patients
de chimiothérapie qui ne répondent
pas à d'autres médica ments. C'est
le dronabinol justement que teste le Centre pour paraplégiques
de Bâle.

Charles Pralong
Journal de Sierre (
suisse)
18 janvier 2000
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