Vendredi 18 févrer 2000

GENEVE. La résolution adoptée hier soir par un Conseil municipal quasi unanime n'a guère
de portée pratique. Mais elle compte par son poids politique
 

 

Les élus genevois veulent dépénaliser le cannabis.C'est hors de leur pouvoir
Sylvie Arsever

Est-ce la révolution ou une manifestation de folklore local? La décision du Conseil municipal genevois quasi unanime de préconiser l'ouverture en ville de Genève de points de vente contrôlée de cannabis risque fort de n'avoir que peu de conséquences pratiques. Mais son poids politique n'en est pas pour autant négligeable au moment où le Conseil d'Etat trahit, par son silence prolongé, l'embarras dans lequel le plonge le débat engagé sur la modification de la loi fédérale sur les stupéfiants (Le Temps du 14 février).
Mercredi soir, les conseillers municipaux ont créé la surprise en se mettant largement d'accord sur une résolution présentée par les Verts sous le titre «Cannabis, arrêtons cette hypocrisie!». Le texte écologiste proposait d'appuyer la proposition mise en consultation par le Conseil fédéral de dépénaliser la consommation de toutes les drogues et d'ouvrir la porte à la mise en place d'un commerce contrôlé du chanvre. En outre, il demandait au Conseil administratif «de proposer aux autorités cantonales et fédérales d'accueillir au plus vite en ville de Genève une ou plusieurs expériences pilotes en vue de la dépénalisation de la consommation de cannabis et de sa mise en vente contrôlée».
Il semblait pouvoir faire le plein des voix de gauche. Mais il n'était pas acquis qu'il emporterait également, moyennant quelques amendements, celles du PDC et, à deux abstentions près, celles du Parti radical. Le texte final propose que la vente contrôlée de chanvre soit réservée aux adultes, qu'elle soit accompagnée d'une information sur les risques des produits et prévoit une évaluation après une année d'expérience. Seuls les libéraux l'ont combattu.
Même pourvu de ces cautèles, le projet échappe à la compétence des autorités municipales et même aux autorités politiques cantonales. Tant que la consommation et la vente de drogue resteront des infractions, leur poursuite dépendra du procureur général Bernard Bertossa, lequel n'est guère favorable à un assouplissement. Dans le cadre de la consultation fédérale, le magistrat a fait savoir en termes nets au Conseil d'Etat qu'il était opposé à toute légalisation du chanvre, au nom notamment de la collaboration policière et judiciaire avec les pays qui nous entourent. «Nous ne mettons aucun acharnement particulier à poursuivre les vendeurs de chanvre, précise Bernard Bertossa. Mais nous ne tolérons aucun commerce organisé et durable. Et la position des autorités municipales n'est pas de nature à nous faire changer de pratique. Je trouve au contraire irresponsable de la part de corps constitués de préconiser des «expériences» contraires à la loi.»
Mais la loi, justement, pourrait changer. Et c'est dans ce cadre que la démarche des élus de la Ville de Genève prend tout son sens. Le Conseil fédéral a mis en circulation cinq projets qui prévoient tous un certain assouplissement. La majorité des cantons et des grands partis politiques se sont prononcés pour une dépénalisation de la consommation de chanvre accompagnée par une tolérance, à négocier, à l'égard de certaines formes de vente. Trois cantons romands  Vaud, Neuchâtel et le Valais  sont les seuls à s'opposer à tout assouplissement. Et un canton, Genève, n'a pas encore fait entendre sa voix dans cette consultation, qui a pris fin le 31 décembre.

Décision contrepoids
Le 9 février, le Conseil d'Etat genevois s'est penché une première fois sur la question et a décidé de se procurer quelques informations supplémentaires avant de se prononcer. Mais on le sait d'ores et déjà divisé. Le responsable du Département de l'action sociale et grand maître d'Suvre de la politique genevoise de la drogue, Guy-Olivier Segond, a toujours défendu une ligne à la fois ouverte et pragmatique qui s'accomoderait sans doute d'un allégement de la loi pénale. A la tête de l'autre département concerné, Justice et police, se trouve au contraire un partisan de la ligne dure, Gérard Ramseyer. Ce dernier n'a d'ailleurs pas attendu que le collège gouvernemental se forge une opinion collective pour clamer la sienne la semaine dernière. A l'occasion de la conférence de presse annuelle de la police, il a dénoncé avec sa fougue coutumière «les vicissitudes et les humiliations» dans lesquelles nous entraînerait selon lui une dépénalisation. Dans cette situation, la décision du Municipal peut constituer un contrepoids bienvenu pour ceux qui, au sein du collège gouvernemental, veulent faire bouger les choses.

 

 
 

 
     



 

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