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Sabine Lord-Zysset

Ferme Oasis

1907 Saxon Saxon, le 26 décembre 2001

Monsieur Varone

Directeur des établissements Pénitentiaires du canton du Valais

Prison des Iles, 1950 Sion

Monsieur Varone,

Je me sens obligée de vous écrire car je suis consternée en cette période de Noël. En deux mots, comme je vous l'avais dit samedi dernier, j'ai eu quelques difficultés à me faire entendre par le médecin de la prison préventive de Sion. Il m'avait notamment bouclé l'appareil au nez alors que ma requête était simple, à savoir le transfert de M. Bernard Rappaz à l'hôpital afin qu'il bénéficie de soins spécialisés. Mais le médecin, au lieu de me répondre, m'a dit "que ce n'est pas lui qui a cultivé du chanvre". Il rajoute que cela ne lui changera pas la vie que Bernard soit en prison ou à l'hôpital. Je lui répète que ma requête est strictement du domaine médical. Il n'a rien voulu entendre mais me proposa le règlement des droits de l'homme au sujet de la grève de la faim. Je l'ai alors remercié et suis passée à son cabinet prendre le document. J'ai pris connaissance des 40 pages de ce document. Certains passages de ce texte m'ont apeurée, voire paniquée (cf. copies). De plus, j'ai pu voir Bernard (à travers une vitre) samedi à 14h30 et l'ai trouvé très affaibli. C'est pourquoi, ce lundi matin 24 décembre, j'ai pris rendez-vous chez le médecin de la prison afin d'avoir une conversation à son cabinet. Je lui ai fait part de mes fortes inquiétudes au sujet de la santé de Bernard. J'obtiens toujours la même réponse, "il va bien, le moral est bon". Je lui demande quand il l'a vu pour la dernière fois, il me répond "il y a une semaine". Je réitère donc ma demande de transfert à l'hôpital, le papier des droits de l'homme dans la main, il me répond de nouveau que sa vie ne va pas changer si Bernard est à l'hôpital ou non. J'essaie de lui faire comprendre que cela pourrait changer la mienne de savoir Bernard sous contrôle médical permanent au 41e jours de grève de la faim. Mais rien à faire. Il campa sur sa position en me disant qu'il le verrait cet après-midi et que je pourrai le rappeler en fin de journée…

Je me suis sentie véritablement lésée. Je lui demandais donc à quelle heure il irait voir Bernard et le prévenais que j'attendrai à la sortie, sa décision. Je me suis rendue à la prison à 13h45 car les consultations commençaient à 14h00. Entre temps, des journalistes m'ont demandé des nouvelles de Bernard, et je leur ai expliqué la situation du moment. C'est pourquoi, une photographe et un journaliste sont venus sur place. Le matin même le médecin avait demandé à garder l'anonymat. Je lui ai confirmé que nous le respecterions. A 14h00, j'étais donc, avec mon bébé et les journalistes devant la prison (par une température sibérienne) lorsque le médecin y entre. Vers 15h30, quelqu'un est sorti. Nous étions dans une voiture et il s'est dirigé vers nous. Nous pensions qu'il venait nous informer de la santé de Bernard, mais il a bifurqué, pris sa voiture et est parti. Il s'avère que c'était le médecin cantonal. Peu de temps après est sorti de l'établissement, M. Gillioz…

Vous, M. Varone, vous me parliez de l'importance des relations humaines, surtout en milieu pénitentiaire… Eh bien, le directeur de la prison préventive de Sion, pour son manque de tact, et même de bon sens, mérite largement de retourner au cours ! Je vous dois quelques explications. Je ne connaissais pas du tout ce monsieur. Il s'est dirigé directement vers nous en disant "ça ne sert à rien de rester ici…et maintenant vous allez arrêter de harceler ce médecin". Je lui est demandé qui il était et lui ai ensuite montré et lu mon papier pour essayer de lui faire comprendre mes raisons. Il m'a méchamment répondu "lui n'a pas violé les droits de l'homme avec son chanvre ?" Je suis restée sidérée et ai encore tenté de lui expliquer que quoi qu'il en soit, il a droit à des soins spécialisés dès la 3ème semaine de grève de la faim et aujourd'hui 41e jours cela me semble indispensable. Il me dit que Bernard est surveillé par des infirmières. Je lui demande s'il y a une présence médicale la nuit. Réponse, sourire narquois aux lèvres : "vous voudriez que l'infirmière couche avec lui ?" Je lui ai demandé s'il se fichait de moi. Il m'a répondu que je pouvais passer les fêtes tranquille ! Comme vous l'avez peut-être constaté lors de nos brèves conversations, je suis quelqu'un de plutôt courtois et sociable. Mais là M. Gillioz m'a fait sortir de mes gonds et j'ai fondu en larmes pendant que lui partait en riant.

Finalement le médecin sortit. Il est clair qu'après ces altercations, je n'était plus du tout calme pour m'entretenir avec lui. Il me dit avoir pris le docteur cantonal à témoin et me confirme son refus de transfert à l'hôpital, "Bernard étant en pleine forme". Je lui demande un écrit de ce qu'il avance. Il me répond que le médecin cantonal a ce rapport. Là j'ai craqué, heureusement ma maman était venue à la rescousse. Voilà les faits et ce n'est pas un roman policier série b. J'aurais bien aimé pourtant.

Je compte sur votre humanisme pour signifier à vos employés et collaborateurs de ne pas tout confondre. La justice fait son travail, la politique le sien A chacun la conscience de son rôle.

Sabine Lord-Zysset

 

 

 

 

P.S. : à l'heure où vous recevez cette lettre, Bernard Rappaz sera au 45e jours de grève de la faim, pour une politique raisonnable et uniforme du cannabis.

Je demande depuis vendredi 21 décembre son transfert à l'hôpital carcéral de Genève.

 

Copie :

- Mme Ruth Metzler, Cheffe du Département fédéral de Justice et Police, Berne

- Mme Ruth Dreifuss, Cheffe du Département fédéral de l'Intérieur, Berne

- Commission des citoyens pour les droits de l'homme, CP 82, 1957 Ardon

- Fondation Johannes Wier pour la santé et les droits de l'homme, BP 1551,

3800 BN Amersfoort (Pays-Bas)

- Me Aba Neeman, avocat, pl. de l'Eglise 2, 1870 Monthey

- Me Jordan, avocat, r. de Lausanne, 1950 Sion

- Me Olivier Derivaz, avocat, r. de Venise 3b, 1870 Monthey

 
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Heure Suisse 15:53, Vendredi 04.01.2002
Le chanvrier Bernard Rappaz a été transféré à l'hôpital de Genève

SION - Bernard Rappaz a été transféré jeudi après-midi à l'hôpital carcéral de Genève. Cette mesure a été motivée par l'état de santé du chanvrier valaisan. Il a entamé un grève de la faim il y a 50 jours, comme il l'avait déjà fait en 1996.
Le transfert de M. Rappaz a été autorisé par le juge d'instruction, a indiqué son avocat Aba Neeman. Ce dernier précise que son client, incarcéré depuis le 14 novembre, a perdu quelque 20 kilos. «Il n'arrivait plus à se rendre au parloir et se trouve dans un état légèrement dépressif» a précisé M. Neeman.
Le directeur du pénitentier des Iles à Sion où était détenu jusqu'ici Bernard Rappaz relativise toutefois ces informations. «Le détenu va bien, il n'a pas perdu autant de kilos et a pu se déplacer par ses propres moyens lors de son transfert», a-t-il indiqué.
Le 24 décembre, la compagne de Bernard Rappaz avait demandé le transfert de ce dernier à Genève. Après l'avoir examiné, le médecin de la prison n'avait toutefois pas estimé ce transfert opportun. En 1996, Bernard Rappaz avait déjà cessé de s'alimenter. Il avait été transféré à Genève au 42e jour de sa grève de la faim.

04.01.2002 14:34, SDA-ATS
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le 26 décembre 2001, Sabine a envoyé ce courrier des lecteurs aux journaux

 

 

Bernard Rappaz ou le pionnier valaisan malmené

 

Bernard Rappaz est toujours en prison préventive à Sion, pour culture et commerce de chanvre et de ses dérivés. 48e jour (lundi 31.12) de grève de la faim entreprise le soir même de son arrestation, pour une réglementation intelligente et uniforme du marché du chanvre.

Je suis sa compagne et la mère de son fils de 7 mois et j'aimerai remettre quelques pendules à l'heure.

Bernard s'apprêtait à purger sa peine de seize mois ferme pour la commercialisation en 1996 de coussins thérapeutiques lorsque, le 14 novembre dernier, à 06h45, des dizaines de policiers ont pris d'assaut la ferme Oasis, caméra au poing. Les arrestations américaines à grande audience, voilà où je me suis sentie ce matin là, chez moi, à Saxon, avec mes deux enfants.

A-t-on oublié qui est Bernard Rappaz avant que la police ne l'assimile à un trafiquant notoire ?

Avant d'être le pionnier du chanvre, Bernard a été le pionnier de l'agriculture biologique et des énergies renouvelables en Valais. A cette époque déjà, il avait été malmené dans notre canton pour son non-conformisme. Pourtant à ce jour, c'est bien cette voie qui est prônée par la Berne Fédérale et chacun peut se rendre compte de l'importance de l'écologie pour une société durable.

A l'heure où le parlement fédéral a accepté la dépénalisation de la consommation, où les études sociales et scientifiques menées depuis quelques années démontrent les possibilités du chanvre et sa faible toxicité (classé entre le thé et le café), il serait temps d'ouvrir les yeux !

La tournure des communiqués de police est digne des journaux à sensation, alors que le chanvre a pu être cultivé et récolté dans notre canton sans qu'aucun échantillon ne soit prélevé par les autorités, ni aucun avertissement proféré durant ces cinq dernières années. La Société Valchanvre a d'elle-même procédé, par le biais de laboratoires, à l'analyse de ses produits transformés (cosmétiques, alimentaires, huile essentielle) pour s'assurer de leur conformité à la législation. Le commerce de ces produits est largement mis en péril aujourd'hui.

En 48 jours de détention préventive, j'ai eu le droit à une seule visite, au travers d'une épaisse vitre, accompagnée d'un inspecteur. C'était le39e jour de grève de la faim et j'ai trouvé Bernard très affaibli. Selon la loi, la préventive sert à l'interrogatoire des prévenus, mais en cette période de fête, tout le corps judiciaire est en vacance et le temps passe…

Pour ceux qui rêvent d'une société responsable, ouverte au dialogue, entreprenante et confiante en l'avenir, il est effarant de constater l'étroitesse d'esprit qui règne dans ce canton face à toutes idées avant-gardistes.

Sabine Lord-Zysset, Saxon

 

Ce lundi 31 décembre 2001, je suis autorisée à voir Bernard, si je me présente aux portes de la prison à 14h30 avec un agent de la police cantonale et une chaise roulante. (j'en ai loué une).

..Vendredi 04.01.2002

53ème jour de grève,

Bernard est transféré à l'Hôpital Carcéral

 

 

 

 

Copies de cette lettre à:

- Mme Ruth Metzler, Cheffe du Département fédéral de Justice et Police, Berne. Mme Ruth Dreifuss, Cheffe du Département fédéral de l'Intérieur, Berne. Commission des citoyens pour les droits de l'homme.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Copie de cette lettre à::

- Mme Ruth Metzler, Cheffe du Département fédéral de Justice et Police, Berne

- Mme Ruth Dreifuss, Cheffe du Département fédéral de l'Intérieur, Berne

- Commission des citoyens pour les droits de l'homme, Ardon

- Fondation Johannes Wier pour la santé et les droits de l'homme Amersfoort Hollande

- Me Aba Neeman, avocat, Monthey

- Me Jordan, avocat, Sion

- Me Olivier Derivaz, avocat, Monthey

 

 

 

 

 

     

 

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