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VALAIS   BERNARD RAPPAZ A GAGNÉ / (26/01/2002)

Bernard Rappaz dans sa chambre de l’hôpital de Martigny, avec son enfant Dorian. Keystone

Libre...... , mais pas longtemps

Le chanvrier aura droit à une convalescence de trente jours avant de retourner en prison pour une autre affaire.

 

Bernard Rappaz, en grève de la faim depuis septante-trois jours, ne bénéficiera que d’un court répit. Hier, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan, saisie d’un troisième recours, a décidé de le libérer de sa détention préventive. Vu l’évolution de l’enquête sur les 50 tonnes de chanvre et 35 kilos de haschisch saisis chez le chanvrier à Saxon, en novembre, il n’y a plus de risque de collusion, ni aucune justification pour le maintenir en cellule. Mais il devra retourner en prison le 25 février pour purger la peine de seize mois d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné en 1999 par le Tribunal de Martigny pour avoir vendu, en 1996, des coussins de chanvre thérapeutiques. A l’époque, déjà, Bernard Rappaz, emprisonné après une descente de police, avait fait une grève de la faim pour protester contre les méthodes policières valaisannes. Il avait obtenu sa libération après quarante-trois jours de grève de la faim.

Deux procédures

Jusqu’ici, le chanvrier valaisan avait repoussé l’exécution de cette condamnation à coups de recours aux Tribunaux cantonal, puis fédéral. Si la peine avait été confirmée en août 2000 par la Cour fédérale suprême, Bernard Rappaz a pu se donner le temps d’y surseoir. N’étant pas considéré comme un grand criminel, il devait entrer en prison en juin dernier, mais a obtenu un délai à l’hiver pour assurer l’exploitation et la récolte 2001. «Une fois la récolte engrangée, la police a débarqué en novembre et arrêté notre ami Rappaz pour ce que l’on sait», explique Boris Ryser, du comité de soutien au chanvrier. C’est donc une convalescence de trente jours à laquelle aura droit Bernard Rappaz, dont l’état de santé après une si longue grève de la faim était devenu très préoccupant.

C’est le conseiller d’Etat Jean-Luc Fournier, chef du Département de l’économie du Valais, qui a répondu favorablement à la requête de l’avocat de Bernard Rappaz de surseoir à l’exécution de la peine de seize mois afin que ce dernier reprenne des forces. Après instruction de la demande et sur la base d’une expertise médicale, M. Fournier lui a donc accordé trente jours de répit. Mais le chanvrier devra durant cette période informer la police cantonale de son lieu de résidence et de ses éventuels déplacements motivés par son état de santé. Son entreprise, Valchanvre, qui comprend une vingtaine d’employés, devra continuer à se passer de lui. «L’entreprise et le comité de soutien ont versé les salaires grâce à des emprunts privés et ont pu honorer des commandes d’huiles essentielles, qui ont permis de redresser les comptes», explique Boris Ryser.

Libre, Bernard Rappaz a été transféré hier en hélicoptère à l’hôpital de Martigny, où il sera gardé en observation quelques jours avant de pouvoir rentrer chez lui. L’enquête actuellement en cours se poursuit et débouchera probablement sur une nouvelle inculpation du chanvrier récidiviste. Les juges, tout en rappelant «qu’une grève de la faim, sous quelque forme que ce soit, ne pouvait constituer un motif de libération», ont ainsi donné raison à ceux qui estimaient qu’une si longue détention préventive ne se justifiait pas.

 

MADELEINE SCHÜRCH

 

 

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Le juste prix

Qu’on apprécie ou non le combat idéologique et les méthodes de Bernard Rappaz, cette affaire aura provoqué un certain malaise au moment où le monde politique suisse réfléchit à une éventuelle libéralisation du cannabis. Jouant sans cesse avec les limites et les flous de la loi, le chanvrier valaisan, combattant de la première heure en matière d’objection de conscience, brasseur en son temps des causes pacifiste et antinucléaire, dérange aussi bien ses concurrents chanvriers que les institutions politiques et judiciaires. Dans un canton montagnard où la fumette fait pourtant bon ménage avec la fondue, on a usé de méthodes antigangs pour mettre à l’ombre cet anarchiste trop impatient de ranger le cannabis au même rayon que le tabac et l’alcool. Si les juges ne pouvaient prendre le risque de l’élever au rang de martyr, en le laissant mourir de faim, ils ont redonné à l’affaire sa juste proportion. Dans le contexte actuel, Bernard Rappaz a dérogé à la loi. Il devra en payer le juste prix.
COMMENTAIRE par Madeleine Schürch
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