Cannabis: passe-moi un joint!Toujours interdit ? Bientôt permis ?
Dans l'attente d'une décision du législateur, le cannabis se répand auprès des adolescents
C'est l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA), à Lausanne, qui le dit: en douze ans, la consommation de cannabis a quadruplé dans notre pays. En particulier, selon des sources concordantes, un adolescent de plus de 15 ans sur quatre allume occasionnellement ou régulièrement un pétard.
Père de deux enfants de 17 et 15 ans, Paul s'est fait interpeller par son aînée l'autre jour à table: «Alors, papa, on risquera vraiment plus rien si on fume un joint dans le train?» En répondant à sa fille que ce n'était «pas exactement cela» et en bon juriste qu'il est, Paul voulait dire qu'il n'existe pour l'heure que des velléités de modifier la Loi fédérale sur les stupéfiants. Laquelle stipule toujours que la consommation de produits interdits peut être sanctionnée de l'amende ou d'un maximum de trois mois de prison.
Il n'empêche, l'esprit de la loi évolue. D'une part, en 1991, le Tribunal fédéral a clairement dissocié le cannabis des drogues chimiques (cocaïne, héroïne) - la Haute Cour allant jusqu'à reconnaître que la «fumette» ne constituait pas un danger important et imminent pour la santé. D'autre part, la fréquence des dénonciations au juge varie beaucoup d'un canton à l'autre, les policiers de Zurich, de Bâle ou de Berne montrant, par exemple, infiniment moins de zèle que ceux de Vaud, de Neuchâtel ou du Valais. Reste un souci majeur: l'âge toujours plus jeune des consommateurs et, partant, la lente mais inexorable banalisation d'une substance controversée. Ivan*, 16 ans, première année de gymnase à Lausanne: «Avec trois autres potes, on se roule presque un joint par jour. Un peu plus le week-end. Mais je fais gaffe en classe. Je veux pas avoir les yeux trop rouges et il y a des cours où je préfère être clean. Je fais aussi du foot. Avant les matches, je me calme.»
Filtres artisanaux
Anne*, 17 ans, qui fait partie d'un cénacle voisin et qui avoue utiliser les couvertures de ses livres et de ses cahiers pour confectionner les filtres dont elle a besoin, est convaincue, elle, qu'il n'y a rien de tel qu'une «canne» pour bien comprendre Baudelaire ou Descartes: «Ça les rend nettement plus joyeux et festifs !» En contact étroit avec les jeunes appartenant à cette tranche d'âge, les responsables de l'Unité multidisciplinaire de santé des adolescents (UMSA), à Lausanne, confirment l'acuité du sujet: un nombre croissant de dossiers renvoie d'une manière ou d'une autre au cannabis. «En tant que praticien, il m'importe de connaître le rapport qui unit le consommateur au produit et le contexte dans lequel il en fait usage, témoigne Pierre-André Michaud, patron de l'UMSA et professeur à la Faculté de médecine. Si je ne m'inquiète pas outre mesure du joint fumé sporadiquement, je me distancie en revanche nettement du discours public tendant à faire entrer dans les mœurs toute forme de consommation de marijuana ou de haschisch.»
Jusqu'à ce jour, plusieurs élus (jusqu'à la conseillère fédérale Ruth Metzler), plusieurs partis politiques (mais pas l'Union démocratique du centre) et plusieurs organisations professionnelles (mais pas l'Union suisse des arts et métiers) ne seraient pas opposés à la dépénalisation de la consommation du cannabis. Mais attention, dépénalisation ne veut pas dire légalisation!
Michel Graf, directeur adjoint de l'ISPA: «S'il est ridicule de poursuivre les simples consommateurs devant les tribunaux, le chanvre doit demeurer un produit interdit. Il est hors de question d'en faire une substance légale qu'on peut se procurer ouvertement. Il faut que des conditions strictes soient posées à sa commercialisation et les infractions doivent être sanctionnées par une amende d'ordre.» Un choix personnel
En d'autres termes, tout en absolvant les fumeurs d'herbe ou de résine, il s'agit d'envoyer un message clair aux jeunes: pas davantage que l'alcool ou le tabac, la société ne saurait encourager la consommation du cannabis. A plus forte raison lorsqu'on considère ses effets psychotropes, qui peuvent faire rire ou donner de l'appétit, mais aussi amplifier les coups de blues ou déclencher la panique. «Fumer de la marijuana ou du haschisch doit demeurer un choix personnel, observent Jean-Blaise Held et Marie-José Auderset, auteurs de Les Drogues, un piège (Ed. de la Martinière, 1999). En la matière, les copains ne sont pas de bons guides. Consommer du cannabis uniquement pour faire comme les autres vous met en porte-à-faux avec vous-même et vous pousse au mal de vivre.»
Aux dernières nouvelles, selon l'ISPA, 40% des Suisses se prononceraient en faveur d'une dépénalisation de la consommation de cannabis, contre 48% qui s'y opposeraient.
Joël Guillet *Prénoms fictifs |
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