Cannabis: les Suisses grands adeptes du joint
Au moins une fois par jour, 87 000 Suisses fument du chanvre indien. Dont une moitié de jeunes qui goûtent à la fumette.

D'après l'enquête réalisée en novembre 2000 auprès de 1600 personnes sur le phénomène cannabis, 27 % des Suisses de 15 à 74 ans affirment avoir fumé un joint au moins une fois dans leur vie, a relevé jeudi l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) dans une documentation de presse. Le cannabis a particulièrement la cote auprès des jeunes: 44 % des 15 à 19 ans et 59 % des 20 à 24 ans ont déjà goûté au moins une fois à la marijuana ou au haschisch. Ils ne sont pas les seuls à avoir fait cette expérience, puisque 35 % des 25 à 44 ans et plus de 15 % des 45 à 49 ans ont au moins une fois tiré sur un joint.


La répression ne paie pas

La répression, plus forte en Suisse romande qu'en Suisse alémanique, n'a pas porté ses fruits: le pourcentage des hommes ayant goûté au tabac défendu est plus élevé en Suisse romande (39 %) qu'Outre-Sarine (32 %). La majorité des adeptes du joint se procurent du cannabis auprès de leurs copains et copines qui le leur donnent (49 %) ou vendent (28 %). Un petit quart d'entre eux cultivent quelques plantes du chanvre indien pour leur usage personnel. Ils admettent en général une dépendance psychique.

Pas dans la rue

Les boutiques de chanvre sont très prisées en Suisse alémanique: un tiers des consommateurs s'y approvisionne. Les produits dérivés du cannabis sont rarement achetés dans la rue, ce qui montre que ce marché n'a rien à voir avec celui d'autres drogues, selon l'ISPA. Plus de la moitié de la génération des 45 ans et plus (53 %) considère que les jeunes expriment leur révolte en consommant du cannabis. Les 15 à 24 ans sont seulement 38 % à y voir un acte de rébellion. Pour 46 % d'entre eux, fumer du shit est un remède, un moyen de lutter contre le stress de la vie quotidienne.

Législation obsolète

L'interdiction du cannabis doit être réexaminée, compte tenu de l'ampleur de la consommation et des faibles risques de cette substance pour la santé, estime l'ISPA. La révision de la loi sur les stupéfiants, actuellement en cours, a pour objectif d'adapter la législation à la banalisation de la consommation de cannabis. L'ISPA soutient cette décriminalisation: la culture et la possession de petite quantités pour la consommation personnelle doivent aussi être dépénalisées, estime l'institut. Mais la consommation dans des lieux publics doit être soumises à de strictes restrictions.

Pas des criminels

De l'avis de 61 % des personnes interrogées, la consommation de cannabis devrait effectivement rester interdite en public, pour éviter de montrer le mauvais exemple à la jeunesse. En revanche, 51 % d'entre elles approuvent la culture de chanvre indien à usage personnel. Seules 30 % des sondés estiment que la police doit faire preuve d'intransigeance à l'égard des fumeurs de joints. Une petite minorité (15 %) les considère comme des criminels.

(gb avec les agences)
15.02.2001 - 11:45


Un Suisse sur deux accepte la vente libre du cannabis

Selon une enquête de l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA), 50% des Suisses seraient favorables à une légalisation du cannabis. 53% à une dépénalisation de sa consommation. Et 54% à une libéralisation de la loi actuelle.

Cette enquête a été réalisée en novembre dernier auprès de 1600 personnes âgées de 15 à 74 ans. Et ces résultats ont de quoi réjouir le Conseil fédéral.

L’ISPA a sondé la population sur les quatre modèles de réglementation en discussion. A savoir, la tolérance vis-à-vis du cannabis, sa légalisation, sa décriminalisation et son interdiction.

Certes, les avis restent partagés. Mais, si l’on en croît les résultats de cette enquête, les Suisses soutiendraient la nouvelle politique du gouvernement en la matière.

Une politique que d’aucuns n’hésitent d’ailleurs pas à qualifier d’audacieuse. Et pour cause, contrairement à ses voisins, la Suisse a décidé de s’engager tranquillement mais sûrement sur la voie de la libéralisation.

L’an dernier, à l’issue d’une large consultation, le gouvernement a esquissé les lignes directrices d’une révision de la Loi fédérale sur les stupéfiants. Qui envisage une dépénalisation de la consommation et de l’achat de cannabis à des fins personnelles.

En outre, dans certains cas, le Conseil fédéral parle d’autoriser la production et la vente de cannabis. Et il se réserve même la possibilité de prévoir, par voie d’ordonnance, une dépénalisation partielle de la consommation d’autres drogues.

Avant de s’engager dans cette nouvelle voie, le gouvernement s’était assuré du soutien des partis, des cantons et des milieux concernés. Aujourd’hui, à en croire l’enquête de l’ISPA, il peut également compter sur l’adhésion d’un Suisse sur deux.

Mieux, en matière de dépénalisation du cannabis aussi, les Suisses semblent prêts à défendre leur indépendance. 56% des personnes interrogées par l’ISPA souhaitent en effet que la Suisse applique sa propre politique en la matière. Même si celle-ci est contraire aux conventions internationales sur les stupéfiants.

Une position qui aurait de quoi surprendre si le peuple suisse n’avait pas déjà fait preuve d’une certaine audace en matière de politique de la drogue. En juin 1999, 54,4% des votants avaient approuvé la prescription d’héroïne sous contrôle médical pour les toxicomanes.

Vanda Janka


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  Dr Hermann Fahrenkrug, collaborateur scientifique à l’ISPA
  TSR: Interview de Michel Graf responsable de la prévention à l'ISPA
  Site de l'Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies

 


La Suisse juge positif le rapport des contrôleurs de la drogue
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"La culture et la vente de cannabis sont devenues en Suisse un secteur d'activité non négligeable", soulignent les experts internationaux. [SRI]
La Suisse est en train de devenir une source importante de cannabis. Ce constat porte la signature de l’Organe international de contrôle des stupéfiants. Mais, à Berne, on parle de malentendu et on fait une lecture constructive de son dernier rapport annuel.



On a souvent l’impression que la politique suisse en matière de drogue ne plaît guère à ceux qui sont chargés d’observer la scène internationale des stupéfiants. Il y a un mois, le Bureau des Nations Unies de contrôle des drogues et de la prévention du crime s’en était clairement pris, par exemple, à son programme de prescription d’héroïne.

Cette fois-ci, c’est l’OICS, l’Organe international de contrôle des stupéfiants, lui aussi basé à Vienne, qui consacre à la Suisse la presque totalité d’une page de son rapport annuel. Cette instance quasi-judiciaire a pour mandat de vérifier l’application des conventions des Nations Unies sur les drogues. Bien qu’elle soit financée et constituée par l’ONU, elle jouit d’un statut indépendant et ses treize membres exercent leur fonction à titre personnel.

L’intérêt qu’ils portent à la Suisse dans leur dernier rapport s’explique par le fait que quatre d’entre eux sont venus dans ce pays en septembre 2000. Lors de cette visite – la troisième en dix ans – ils ont pu se rendre compte concrètement de la situation et en discuter en tête-à-tête avec la direction de l’Office fédéral de la santé publique.

«On a essayé, nous confie Ueli Locher, vice-directeur de l’Office, de donner une image aussi complète que possible de notre politique nationale en matière de drogue. Le message a été compris.»

Les compliments, il est vrai, ne manquent pas. Qu’il s’agisse de la qualité de la prévention, du contrôle des activités illégales en rapport avec des produits interdits ou de la collaboration avec les instances internationales, la Suisse fait figure de bon élève.

Mais en même temps, l’OICS ne s’embarrasse pas de belles phrases quand elle met le doigt sur la culture et la vente de cannabis qui selon elle «sont en fait devenues en Suisse un secteur d’activité non négligeable».

Mais «la libéralisation encore plus poussée qui est envisagée – par exemple, la dépénalisation générale de la culture et du commerce de cannabis actuellement à l’étude – serait non seulement contraire aux dispositions de la Convention de 1961, mais également de nature à aggraver le problème au lieu de le résoudre.»

Ueli Locher ne nie pas les problèmes mais parle de malentendu et de défaut de communication. Il n’a jamais été question, ni au Conseil fédéral ni au Parlement, de légaliser le cannabis. Par contre, il convient de voir si ceux qui en font commerce doivent être poursuivis dans tous les cas.

Le sous-directeur de l’Office fédéral de la santé publique fait tout de même observer que les organisations internationales devraient comprendre que les temps changent: «si on regarde les sondages d’opinion, on voit bien qu’il est de plus en plus difficile de faire comprendre que le cannabis devrait être traité de la même façon que la cocaïne ou l’héroïne».

Faut-il donc revoir les conventions internationales et les adapter à l’évolution des mentalités et des mœurs? Ueli Locher ne dit pas cela, mais pense que le droit existant laisse une marge d’interprétation qui permet d’ajuster les politiques nationales aux réalités sociales.

Le second grand reproche fait par l’OICS à la Suisse concerne les lieux d’injection de drogues sans prescriptions médicales: quand on a un système de santé aussi développé, dit le rapport, on devrait être en mesure de «fournir toutes sortes de moyens de traitement, plutôt que d’aménager des locaux qui contribuent à prolonger et à faciliter l’abus des drogues dans des soi-disant bonnes conditions d’hygiène».

Ce jugement, Ueli Locher, ne peut le partager. C’est, dit-il, «un combat d’arrière-garde»: la Suisse, mais aussi d’autres pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne, ont procédé à des expertises qui démontrent que de telles pratiques ne contredisent pas les conventions internationales.

A Berne, on se veut donc rassurant, confiant et constructif. Les paragraphes critiques du rapport de l’OICS ne devraient pas masquer l’essentiel. Et l’essentiel, selon Ueli Locher, c’est bien que «notre approche globale en matière de drogue a été comprise».

Bernard Weissbrodt



21.02.2001 - 17:00

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swissinfo: Ueli Locher, vice-directeur de l’Office fédéral de la santé publique
Site de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS)
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Cannabis:

l'Europe balance entre répression et dépénalisation

La dépénalisation de la consommation du cannabis placerait la Suisse dans le groupe des pays européens optant pour une prudente libéralisation. L’Union n’affiche aucune cohérence en la matière, malgré une tendance favorable à la tolérance.

Parmi les pays les plus répressifs, la France ne fait pas la différence entre drogues douces et dures. La seule consommation de cannabis peut valoir un an de prison. Une prohibition peu efficace à en croire une récente étude gouvernementale qui révèle que 45% des adolescents de dix-sept ans ont déjà expérimenté le cannabis.

A l’opposé, les Pays-Bas sont connus pour leur permissivité, symbolisée par les fameux coffee-shops. La vente de cannabis y est autorisée aux clients de seize ans révolus, la production de petites quantités est tolérée.

Toutefois les autorités néerlandaises ont durci leur politique depuis les années septante, notamment sous la pression des habitants des quartiers investis par les trafiquants et leurs clients. Depuis deux ans, les motifs de fermeture des coffee-shops sont étendus.

La Belgique a opté le mois dernier pour une dépénalisation qui ne dit pas son nom. La détention et la consommation de cannabis pour usage personnel ne seront en principe plus sanctionnés. «En principe» parce que le gouvernement a prévu une étrange exception pour la consommation induisant «un comportement problématique» ou une «nuisance sociale», concepts qui restent à définir.

La plupart des politiques nationales se caractérisent par un écart entre la législation et la pratique. C’est le cas notamment en Italie, en Allemagne, en Autriche et au Danemark, où la consommation privée n’est généralement pas sanctionnée, alors que la loi prévoit des condamnations.

L’Union européenne, de son côté, cherche à harmoniser la lutte contre le tabagisme, mais elle ne prévoit aucune norme commune face au cannabis. Toute tentative se heurterait fatalement à des perceptions très divergentes. La France avait reporté la suppression des contrôles à la frontière avec la Belgique de peur d’être envahie par les dealers venus des Pays-Bas.

Thierry Zweifel, Bruxelles


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