Mis à jour le mardi 8 juin 1999
A MOITIÉ dissimulé derrière une touffe verdoyante de feuilles de cannabis, son visage hilare apparaît depuis quelques semaines sur les murs de la capitale et d'une cinquantaine d'autres villes, en dessous d'une invitation à « sortir de la prohibition » des drogues. « Quand les inspecteurs des renseignements généraux ont découvert mon nom sur les affiches électorales des Verts, ils ont cru que c'était un gag », rapporte Jean-Pierre Galland, le président du Collectif d'information et de recherche cannabiques (CIRC), en vingt-cinquième position sur la liste menée par Daniel Cohn-Bendit. « Ils ont dû appeler la direction du parti pour être sûrs que ce n'était pas un canular », ricane-t-il.
A défaut d'être connu du grand public, celui que les affiches du parti écologiste présentent comme leur « candidat en herbe » jouit en effet d'une certaine notoriété dans les services de police chargés de la répression des stupéfiants. Ceux-ci n'avaient guère apprécié, en décembre 1997, que les membres de son association envoient des « joints de cannabis français » à tous les députés, avec un petit livre pour inciter le législateur à « ouvrir le débat » sur le bien-fondé de la prohibition des drogues.
Condamné à verser 50 000 francs au Trésor public à la suite de l'opération, l'auteur de Fumée clandestine, qui collectionne depuis dix ans les gardes à vue et les condamnations pénales pour ses multiples « actions pétaradantes », n'aurait jamais pu échapper à la banqueroute et à l'emprisonnement sans le soutien efficace du parti de Dominique Voynet. « Le fait que nous couvrions le CIRC et Jean-Pierre Galland de manière volontariste irrite beaucoup la police nationale, observe Jean-Luc Bennahmias, secrétaire national des Verts. Nous n'acceptons plus la persécution furieuse dont il fait l'objet, ni l'envie de certains juges de le mettre en prison. »
Avec les Verts, « seul parti engagé dans une voie antiprohibitionniste », l'agitateur poursuit son inlassable combat contre la « funeste » loi du 31 décembre 1970, qui condamne lourdement la consommation, la détention, la production, l'incitation à l'usage comme la présentation sous un jour favorable de toutes les drogues prohibées. « Cette loi permet de réduire au silence ceux qui dénoncent le caractère hautement idéologique de la prohibition ou qui ne tiennent pas un discours politiquement correct », martèle-t-il dans les meetings, où il intervient régulièrement à côté de M. Cohn-Bendit. « La prohibition du cannabis est absurde, celle de l'héroïne est criminelle », ajoute-t-il, avant de dénoncer la répression des usagers de stupéfiants, qui « transforme des millions de citoyens en délinquants ou, plutôt, en condamnés potentiels ».
POUR LA VENTE RÉGLEMENTÉE
Rappelant que les interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants sont passées de 800 en 1969 à 89 285 en 199 7 et que , chaque année, « un millier d'usagers meurent à cause de produits frelatés, du sida ou des hépatites », M. Galland plaide , au nom des Verts , pour la vente réglementée du cannabis dans tous les Etats de l'Union européenne et pour l'application d'une politique « réaliste » de réduction des risques, « qui ne se résume pas à la chasse aux usagers ».
Au palais de justice de Paris, le procureur Bernard Pagès, qui a requis dix-huit mois de prison, dont six ferme, contre l 'écrivain libertaire pour l'opération « chanvre des députés », n'a rien à redire à sa nouvelle carrière politique. « Galland, on ne l'arrêtera qu'en changeant la loi », soupire-t-il simplement.